Le XXe siècle a été un temps de profondes modifications dans les transports du quotidien, en Afrique comme dans le reste du monde. Dans le sillage de la mise en place des structures de la société coloniale, de nouveaux moyens de locomotion ont fait leur irruption sur le continent. L’arrivée en kits de bateaux sur le fleuve Congo pendant et après la conquête, la figure du missionnaire sillonnant les espaces ruraux sur sa bicyclette ainsi que celle, plus tard, de l’administrateur colonial faisant sa tournée en mobylette ou en automobile sont bien connues, quoique les modalités et la chronologie de cette irruption restent à définir. Les transformations sociales et l’émergence des élites africaines dans l’entre-deux-guerres ont ainsi joué un rôle dans ces processus, la possibilité de se déplacer plus vite et plus loin devenant l’un des attributs de l’appartenance à la notabilité. C’est donc d’abord la place renouvelée (ou non) des transports du quotidien dans les transformations sociales et culturelles de la fin du XIXe siècle au XXIe siècle que cet atelier voudrait interroger, sans s’en tenir au seul temps colonial, en amont et en aval.
En outre, les transports du quotidien furent à l’époque coloniale comme après les indépendances des outils politiques et non simplement des instruments de prestige. Les capacités de déplacement sont étroitement corrélées en effet aux capacités d’action des acteurs et des actrices. En étudiant les moyens de déplacement en lien avec la race, le genre ou la classe sociale, il s’agit de proposer une lecture spatialisée des luttes sociales et politiques en Afrique. Aujourd’hui encore, l’articulation entre marche, voiture individuelle, bus, moto et vélo-taxi, pousse-pousse-vélo, etc., dans les villes et campagnes du continent constitue un marqueur autant qu’un outil des liens et des clivages qui traversent les sociétés politiques.
Les nouveaux moyens de locomotion introduisent également un rapport transformé à l’espace. Dans les régions d’altitude par exemple, on voit les élites sociales et politiques, précisément celles dotées de ces moyens de locomotion, se déplacer des sommets des collines aux vallées où les circulations automobiles notamment sont plus aisées. Les lieux de pouvoir se déplacent avec elles, tandis que les routes ne sont pas seulement des lieux de passage mais aussi des lieux de pouvoir et d’action politique.
Par ailleurs, le contrôle des mobilités à l’échelle micro-locale (moins abordée que les échelles régionales, nationales et transnationales) est un enjeu majeur dans la bonne gouvernance coloniale et postcoloniale. La situation de l’errant, du vagabond, du mendiant, des malades, du fou est une préoccupation régulière des autorités confrontées à un souci croissant de préservation du bon ordre public et de la bonne norme des mobilités individuelles. Leurs circulations restent souvent trop peu interrogées, alors que les autorités s’efforcent de normer et contrôler des géographies du quotidien qui paraissent souvent bien incertaines, mouvantes, parfois situées aux frontières de la légalité.
Sont attendues des communications appartenant à l’ensemble des sciences sociales et humaines, pouvant s’intéresser tout aussi bien à la typologie des moyens de locomotion (en interrogeant les continuités ou non avec les moyens antérieurs : cheval, tipoye, hamac…), aux usages (agrément, travail, prestige, commerce, etc.), aux usagers (fonctionnaires, messagers, médecins ou médecins auxiliaires, chefs ou administrateurs, marchands, porteurs et portefaix, etc.).
Merci de bien vouloir envoyer vos propositions conjointement à Florent Piton (florentpiton1@gmail.com) et Raphaël Gallien (raphael.gallien@gmail.com).