"Mobilisations politiques des migrants sud-asiatiques"
Lieu : Université Paris-Diderot salle 377F (Halle aux Farines) Horaires : 17h à 19h
Jeudi 13 février 2020 : Lola Guyot (European University Institute)
Le mouvement nationaliste tamoul au Sri Lanka et en diaspora : de la subordination à l’exil
Les mobilisations politiques de la diaspora tamoule sri lankaise pendant la guerre (1983-2009) et dans la période post-conflit (depuis 2009) reflètent deux configurations distinctes de relations entre l’opposition locale au régime et les acteurs diasporiques. Pendant la guerre, elles obéissent à un modèle de subordination de la diaspora à des acteurs du pays d’origine, mis en place à la suite de l’établissement par les Tigres Tamouls (LTTE) d’un monopole sur le champ politique diasporique et de mécanismes de contrôle social de la population émigrée. Les mobilisations des migrants tamouls ont alors pris la forme d’un soutien financier massif à l’insurrection des Tigres, sur lesquels les organisations diasporiques se sont alignées idéologiquement. Depuis la défaite des LTTE, les mobilisations transnationales tamoules sont représentatives d’un autre modèle de politiques diasporiques s’apparentant à des politiques d’exil. Les organisations diasporiques opèrent à présent dans un champ politique autonome et compétitif dans lequel elles rivalisent pour le statut de représentant de la communauté. Elles donnent la priorité à « l’international » comme site d’action, entrant par là en conflit avec les représentants politiques tamouls au Sri Lanka pour qui l’espace de lutte sri lankais est toujours à privilégier. Dans cette reconfiguration de la lutte à l’international, la cause tamoule est redéfinie en étant diluée dans d’autres causes politiques (la cause immigrée ou bien d’autres causes mobilisant dans les pays d’accueil) ou au contraire en étant figée dans le temps, sous sa forme la plus « pure », et par là confinée au domaine du symbolique. Ces deux façons de redéfinir la lutte nationaliste tamoule en diaspora reflètent une autonomisation du champ politique diasporique, qui sort d’une orientation purement transnationale pour s’ancrer dans l’espace politique des pays d’accueil.
Jeudi 19 mars 2020 : Nicolas Jaoul (IRIS)
Les dalits et l’ambedkarisme de diaspora
Le mouvement ambedkariste, un mouvement des dalits ou "intouchables" pour abolir les castes, présent depuis les années 1930 en Inde, a commencé à se développer en Grande-Bretagne à partir des années 1950-60, au sein de la communauté punjabie issue des castes dalits. Pour comprendre ce qu’il advient de ce mouvement dans un contexte migratoire, je rappellerai dans un premier temps les grandes lignes de la mobilisation des dalits en Inde, en soulignant l’importance des contextes régionaux. Je présenterai ensuite mes travaux antérieurs sur la mobilisation des dalits en contexte migratoire. Celle-ci a été prise entre deux logiques, l’une tournée vers le pays d’origine (l’Inde et plus particulièrement le Punjab) et l’autre tournée vers la dénonciation des discriminations de caste internes à la diaspora indienne, sur le territoire britannique. Face aux continuités des pratiques de caste et de la manière dont elles affectent les institutions locales, notamment dans le contexte des politiques multiculturelles de Grande-Bretagne, est-ce que l’ambedkarisme constitue toujours un outil politique pertinent ? Inversement, quel est l’apport de la mobilisation d’une petite bourgeoisie émigrée pour le mouvement dalit en Inde ?
Jeudi 26 mars 2020 : Mathieu Claveyrolas (CEIAS)
Les Hindous guyaniens à New York : « it is all about progress ! »
Mon intervention se fonde sur un récent terrain au sein de la communauté indo-guyanienne de New York où je me suis concentré sur les pratiques rituelles, les lieux de culte et les discours identitaires hindous. Suite à son indépendance en 1966, le Guyana a connu des violences opposant les « Afro-Guyaniens » descendant des esclaves, aux « Indo-Guyaniens » descendant des 230.000 travailleurs engagés venus d’Inde entre 1838 et 1917. En conséquence, de nombreux Guyaniens ont émigré en Amérique du Nord depuis les années 1980, et ils représenteraient aujourd’hui une communauté de 140.000 individus dans la seule ville de New York. Je me concentre ici sur la sous-communauté « Madrasi », une terminologie renvoyant à une origine géographique (l’Inde du Sud) mais aussi à une version « ethnique » (tamoule) de l’hindouisme et à une version populaire de l’hindouisme, caractérisée par les transes, le médiumnisme, les sacrifices et l’absence d’autorité brahmane, mais aussi par un militantisme revendiquant conjointement la dimension populaire du religieux et un progressisme social radical. Entre créolité, indianité et identité new-yorkaise, quels sont les enjeux religieux et politiques pour cette communauté vis-à-vis des autres Hindous Guyaniens, des autres hindous new-yorkais et du contexte multiculturel local ?