Organisée par le CESSMA (Axe « Production, politiques et pratiques de la ville ») et l’URMIS (groupe Villes en constitution).
Journée d’étude – Appel à contribution
« Villes dans le noir »
Organisée par le CESSMA, Axe « Production, politiques et pratiques de la ville », et l’URMIS, groupe Villes en constitution
Lieu : Université Paris Diderot
Date : 12 octobre 2016
Envisager « la ville dans le noir » c’est questionner l’impact de l’obscurité, subie ou recherchée, dans les pratiques économiques, sociales, voire politiques des citadins. Dans des villes sous contrainte énergétique, la vie nocturne en constitue une dimension essentielle. Elle permet d’aborder une variété de paysages physiques et d’expériences urbaines ; elle met en évidence en particulier les failles des réseaux d’éclairage public, les contraintes subies ainsi que les opportunités d’activités dissimulées. Mais les pratiques de l’obscurité vont au-delà de ces ambiances nocturnes qui marquent la diversité de nos terrains de recherche. La journée d’étude envisage alors des zones d’ombre et des pénombres plus diffuses ; elle interroge en cela les frontières temporelles entre le jour et la nuit.
L’ombre, la pénombre et la nuit imposent des formes particulières au déroulement d’activités ordinaires ou plus exceptionnelles, qui se distinguent ainsi des formes plus visibles. Bien souvent, la nuit est porteuse de sens en elle-même, même si ce sens varie selon les lieux, les époques, les classes d’âge et les groupes sociaux. En tant que moment normé comme temps du sommeil, elle peut recouvrir d’autres activités d’une signification d’interdit ou de transgression, d’autant qu’il est souvent mal vu d’être dehors la nuit. L’obscurité a ainsi des effets tantôt structurants, tantôt déstabilisants sur l’organisation des espaces et des relations sociales.
Certaines études abordent l’obscurité sous l’angle des pratiques récréatives, des moments festifs et des quartiers valorisés par les noctambules ; d’autres mettent l’accent sur les logiques entrepreneuriales qui poussent à valoriser la ville 24 heures sur 24. Force est de constater que ces espace-temps recouvrent des aspects plus larges. La nuit est de fait un moment de travail pour certaines catégories de population, de quête de ressources plus ou moins légales pour d’autres. L’offre et les techniques d’éclairage mettent également en jeu des valeurs morales, des formes de domination politique, des perspectives sensorielles. L’intérêt à aborder les villes selon les lieux laissés dans / sortis de l’obscurité nocturne réside ainsi dans une large combinaison de facteurs et d’usages.
En quoi l’obscurité, et son corolaire l’éclairage, conditionnent-ils les expériences citadines ? Comment-les appréhender comme des ressources mobilisées ou mobilisables à des fins spécifiques ? Comme éléments du contrôle social et des politiques de surveillance ? Les contributions pourront aborder des formes banales autant que des moments particuliers d’usage de la ville dans le noir.
Plusieurs entrées sont suggérées :
- Pénuries et délestages énergétiques, pannes et écrans noirs.
La question énergétique est centrale : moins sous l’angle des services essentiels dont il s’agit globalement d’améliorer l’accès, que comme entrée de recherche participant à un intérêt croissant pour les rythmes de la vie en ville : politiques d’équipement et gestion optimisée des réseaux, adaptation des usagers à la récurrence des pannes, intégrées dans le mode d’organisation, etc. Il s’agit de suivre ces variantes au fil de mises en réforme et de palliatifs des approvisionnements en électricité : par exemple quand les municipalités ne payent pas les factures de l’éclairage public ; quand les compteurs prépayés ou le solaire font leur entrée dans les maisons ; quand l’électricité devient norme de référence, forge de nouveaux tris d’appréciation des lieux et des gestions urbaines. Des pratiques liées aux effets de rareté s’observent alors dans les envers du décor technique et des lumières de la ville : voirie secondaire et intérieur des quartiers plongés dans l’obscurité dès lors qu’on s’éloigne des centralités et des grands axes ; flux et stationnements nocturnes entre les zones éclairées ; micro-sociabilités sous la lampe tempête. - Marchés noirs, économies souterraines et pratiques à l’ombre du droit ; interdits du couvre-feu, clandestinités et invisibilités recherchées.
La ville dans le noir renvoie aux zones d’ombre de l’activité urbaine. Il s’agit ici d’isoler des illégalités rythmées par la tombée de la nuit, d’interroger leurs limites et leurs liens avec une informalité plus banalement diurne : en suivant par exemple les moments de décharge de véhicules gros porteurs plus ou moins autorisés à entrer en ville ; à l’inverse les relations entre des marchés de nuit tolérés et des irrégularités assumées au grand jour. - Cultures nocturnes, expériences sociales en marge des normes diurnes
Les usages de la ville dans le noir varient socialement, en fonction du statut, du genre, de l’âge, des activités... Ils conduisent à se demander à qui appartient la nuit et à envisager les relations entre nuit, émancipation et marginalité. Une attention particulière est apportée à la perspective du genre dans ces marges de manœuvre : activités marchandes, prostitution, pratiques festives et loisirs, représentations du danger, discours sécuritaires…
Sur un plan réflexif, la Journée d’étude veillera à introduire les « trous noirs » de la connaissance des villes (Night Studies en émergence ? épistémologie des ambiances nocturnes à discuter) ; elle pourra conclure en s’interrogeant sur quelques angles morts ou amnésies de la recherche (débat sur visibilité / invisibilité des expériences citadines) visant à prolonger les échanges lors d’autres journées d’étude.
Recueil des intentions de contribution : 30 mai 2016
Recueil des résumés des communications : 5 septembre 2016
Participations à adresser aux organisateurs :
Monique Bertrand (contact)
Odile Goerg (contact)
Didier Nativel (contact)
Jérôme Tadié (contact)