Brokers et Coolies : l’intermédiation dans l’organisation du travail migrant au sein de l’empire colonial français d’Asie et du Pacifique, du début du 19e au milieu du 20e siècle

Colloque | 9-10-11 octobre 2024 | UPCité-Buffon / INALCO-Maison de la Recherche / EFEO-Maison de l’Asie

Ce colloque propose de revenir sur l’histoire des intermédiations dans l’organisation du travail migrant au sein de l’empire colonial français, de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle. Le terme renvoie à l’organisation de la migration de travailleurs – recrutement, acheminement, mise au travail, rapatriement ou retour – par des intermédiaires dans le cadre du travail colonial, sous ses différents régimes. L’objectif général consiste en la description de ces brokers, du brokerage et des ambiguïtés, clichés, qui les entourent, dès l’époque coloniale, et encore de nos jours. Analyser et définir leur contribution à l’expansion des réseaux de migrants au sein de l’Empire français reste un enjeu important pour l’histoire coloniale et les études postcoloniales ainsi que pour les migrations de travail actuelles.

Il s’agit ici de saisir les figures sociales et politiques de ces agents, changeants, mais constamment présents dans les rapports de travail et dans l’organisation des migrations au cours de la période étudiée comme de nos jours. D’une façon très générique, ils peuvent être définis comme des individus ou des organisations qui intercèdent entre donneurs d’ouvrage et travailleurs migrants, et qui en perçoivent, souvent mais pas toujours, une compensation sous forme de commission ou de paiement. Cette définition provisoire renvoie à une réalité très fluide, dans laquelle les figures d’intermédiaires « institués », de sous-contractants, voire de travailleurs migrants, peuvent se croiser, coexister à l’intérieur d’un même secteur, d’un même lieu ou d’une même période.

Les études, françaises et étrangères, dédiées au brokerage dans la migration manquent cruellement de profondeur historique. Ce colloque ambitionne de combler cette lacune, en s’appuyant sur des études monographiques originales conduites dans le cadre de l’Empire français à partir de certaines filières de travailleurs migrants qui l’irriguent, des années 1850 aux années 1950 : les « coolies », chinois, javanais, japonais, vietnamiens, et leurs intermédiaires. Le terme « coolie » (« coulis » dans les sources françaises parfois, mais avec de nombreuses variantes orthographiques dans les autres langues européennes), qui n’est pas forcément utilisé partout dans cet espace, est fréquemment employé néanmoins par les embaucheurs occidentaux à partir du début du XIXe siècle ; il se trouve de nouveau adopté de nos jours. L’expression désigne d’abord, spécifiquement, les travailleurs et contractuels asiatiques ; ensuite, par extension et de manière péjorative, une personne qui travaille de ses mains pour un salaire, un « manouvrier » au sens ancien de la langue française.

Nous proposons, à travers les contributions présentées durant ces trois journées, les résultats d’une étude critique de l’intermédiation migratoire à partir de deux terrains principaux, l’Indochine et la Mélanésie coloniales françaises, où elle connaît une ancienneté et une densité remarquables. Ces enquêtes ont été réalisées à partir de la fin de l’année 2020 dans le cadre d’un projet de recherche collective (PRC) intitulé Cooliebrokers financé par l’Agence Nationale pour la Recherche. Elles s’efforcent de souligner l’existence et l’intérêts des documents asiatiques pour l’appréhension de ces figures d’intermédiaires, à côté de l’usage indispensable des sources coloniales. Nous présentons également, en contrepoint de cette recherche collective, afin de faciliter les comparaisons nécessaires à la compréhension des intermédiations, plusieurs monographies adossées à d’autres terrains et filières migratoires.

Nous insistons donc ici sur le fait que l’intermédiaire n’est pas plus nécessairement un bourreau, que le coolie ou le migrant n’est inévitablement sa victime. Tous deux opèrent dans des contextes structurés autour de contraintes et d’opportunités, et agencent en permanence forces structurelles et capacité d’agir. Il nous importe en particulier de souligner, dans le contexte actuel d’anxiété suscitée par l’explosion des migrations internationales, le caractère complexe, mais compréhensible et mobilisable, de ces intermédiations, en prenant appui sur l’histoire.

entrée libre
Vous trouverez le programme détaillé des trois journées et toutes les informations
pratiques ici : https://anrbrokers.hypotheses.org/
contact :
Eric GUERASSIMOFF
Coordinateur ANR Cooliebrokers (2020-2024)
Professeur d’histoire contemporaine de la Chine
Chercheur CESSMA (UMR 245)
Chercheur associé IFRAE (UMR 8043)
eric.guerassimoff@u-paris.fr

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