Vendredi 17 mai 2019
Inalco /auditorium
65 rue des Grands Moulins
75013 Paris
9h30-16h
Avec la participation de
CESSMA (Université Paris VII), PREFICS (Rennes 2), L’Âge de la tortue (Rennes)
En collaboration avec : l’ANR LIMINAL
Organisation :Brigitte Rasoloniaina (MCF-HDR, Sociolinguistique, CESSMA/PREFICS) , Gilles Forlot (Professeur, Sociolinguistique, PLIDAM).
Argumentaire
La sociolinguistique a très tôt traité des problématiques liées à la migration dans son champ d’étude, par le rôle premier de la langue que diverses instances (par exemple l’école) ont évaluée comme facteur d’intégration dans l’espace d’accueil d’une part, et d’autre part, par le biais de nouveaux thèmes de recherche comme le bilinguisme, le plurilinguisme, la transmission des langues, les contacts de langues issus des rencontres des locuteurs (les modalités et implications sociolinguistiques), etc. En sociolinguistique urbaine, la migration, considérée comme faisant partie de la mobilité spatiale inscrite dans la mondialisation actuelle, est comprise comme un objet de recherche lié aux dynamiques des acteurs et aux espaces sociaux qui sont en transformation.
Afin de faire émerger les avancées des différentes réflexions, cette journée d’étude, construite avec le concours des collègues de l’Association L’Âge de la tortue (Rennes) qui ont porté le projet L’Encyclopédie des migrants, réunira quelques chercheurs (anthropologue, sociolinguiste, géographe documentariste, littéraire) qui ont traité le thème du déplacement migratoire ces quatre dernières années, en se focalisant particulièrement sur les migrants et leurs trajectoires. En effet, engager une démarche compréhensive du déplacement migratoire (migration contrainte ou libre) et des dynamiques sociales qui en résultent, n’est possible que si on est attentif aux mises en mots de l’Autre qui a vécu cette expérience. C’est dans cette logique que la projection du film documentaire L’Encyclopédie des migrants de Frédéric Leterrier et Benoît Raoulx, 2017, 60’ (suivie de débats) et l’exposition Parcours des invisibles dans la Galerie de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, du 7 au 17 mai 2019, sont intégrées dans cette journée d’étude.
Programme
9h30-9h45 : Accueil (inscription et café)
9h45-10h00 : Ouverture par le Vice-Président
10h00-10h30 : B. Rasoloniaina, Les mises en mots des poilus malgaches (1915-1946) sur la mobilité contrainte
10h30-11h00 : Eric Naveau, Les poèmes de l’exil
11h00-11h30 : Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, Violence et récit : la parole et les
langues des demandeurs d’asile.
11h30-12h00 : Luc Biichlé, De l’insertion dans la nouvelle société en contexte migra-toire : la restructuration du réseau social et les contacts entre langues.
12h00-12h30 : Sumindi Rodrigo, Mises en mots et mises en dessins de la pluralité linguistique et culturelle
2h30 à 13h40 : déjeuner (buffet)
13h40-14h15 : Hisham Aly, L’exposition Parcours des Invisibles.
14h15-15h30 : Paloma Fernández Sobrino et Benoît Raoulx, Présentation du projet et projection du film L’Encyclopédie des migrants de Frédéric Leterrier et Benoît Raoulx, 2017, 60 min.
15h30-16h00 : Gilles Forlot : Synthèse et conclusion de la journée.
Résumés
Hisham Aly
Chargé de mission thématique « Personnes exilées de passage » à Calais au Secours Catholique - Caritas France, L’exposition « Parcours des invisibles »
Les œuvres de l’exposition « Parcours des Invisibles » et les traces des exilés en transit considérés comme indésirables à Calais : comment créer un espace de résilience pour des personnes subissant un harcèlement physique et psychologique tout en valorisant leurs paroles ?
Luc Biichlé
Université d’Avignon, Sociolinguiste, MCF-HDR, De l’insertion dans la nouvelle société en contexte migratoire : la restructuration du réseau social et les contacts entre langue.
Les phénomènes migratoires font partie de l’histoire de l’homme et résultent presque toujours de contraintes politiques et/ou économiques. Mais, contrairement à ce que pensent trop de personnes, on migre le plus souvent dans le chagrin et la douleur parce qu’on doit abandonner sa famille et le peu qu’on possède pour aller vers une nouvelle société où tout est à refaire : restructurer son réseau social, tisser de nouveaux liens (capital social), apprendre une nouvelle langue ; ce qui implique également une remise en cause de l’identité et des représentations.
La structure du nouveau réseau sera donc déterminante en termes d’input sociétal. Par exemple, la densité et la multiplexité d’un réseau agiront comme des mécanismes de renforcement des normes langagières (Milroy, 1987) alors que la présence de trous structuraux indiquera une augmentation du capital social (Merklé, 2004), de zones qui favorisent le contact avec la nouvelle société ses personnes, ses langues, ses représentations, ses identités (Biichlé, 2018).
Cette communication vise à mettre en relief les modalités de restructuration du réseau social ainsi que les effets de cette nouvelle structure, notamment sur les pratiques langagières.
Paloma Fernández Sobrino
Rennes, Association L’âge de la tortue, Commissariat de l’exposition L’Encyclopédie des migrants
Le projet d’expérimentation artistique « L’Encyclopédie des Migrants », né à Rennes et entrepris à mon initiative, a réuni 400 témoignages d’histoires de vie de personnes migrantes, sous forme de lettres (« lettres intimes » envoyées symboliquement à un proche n’ayant pas fait ce parcours de migration) et accompagnées d’un portrait photographique de chaque témoin. Il s’agit d’un travail contributif, développé entre 2014 et 2017, qui a rassemblé un réseau de 8 villes de la façade Atlantique de l’Europe, entre la Bretagne et Gibraltar. L’Encyclopédie contient aussi 16 textes écrits par des chercheurs en sciences humaines et sociales. Dans cette intervention, je m’interrogerai sur la part de
« l’artistique » dans ce grand projet.
Etienne Naveau
Les poèmes de l’exil
Deux éditeurs malaysiens ont recueilli, en 2017, en versions originales assorties de traductions anglaises, les voix de migrants ayant participé à un concours de poésie qui s’est tenu en 2016. Ce corpus en bengali, indonésien, tagalog, ourdou, chinois, persan, tamoul ou anglais n’est nullement représentatif. On constate, par exemple, l’absence du népali, malgré le grand nombre de migrants originaires du Népal. Ces voix des migrants expriment des problématiques spécifiques à l’exil : nostalgie, protestation, désir d’intégration et de reconnaissance par la langue ou la forme poétique de l’autre. Un migrant syrien a choisi de s’exprimer en malais plutôt qu’en arabe, un autre s’est plié à la forme malaise traditionnelle du syair. Mais en dépit de ces spécificités, ces poèmes présupposant des langues et des cultures d’arrière-plan expriment, semble-t-il, une situation de diglossie, de multilinguisme et de jeu entre les langues, qu’on rencontre fréquemment en Asie. Il s’agira donc de rendre compte de cette double dimension, singulière et partagée, de l’écriture poétique des migrants en Malaisie.
Benoit Raoulx
Université de Caen, Géographe, MCF-HDR, L’Encyclopédie des migrants (film de Frédéric Leterrier et Benoît Raoulx, 2017, 60’, en quatre versions sous-titrées français, anglais, espagnol, portugais)
L’objet de ce film est de laisser une trace du projet « L’encyclopédie des Migrants » dans sa globalité, de la naissance de l’idée à la production finale de l’ouvrage, en passant par le processus de création et la démarche collective. Le film qui constitue une forme d’approche ethnographique d’un projet européen apporte une fonction réflexive et contribue à la fois à la mémoire du projet et au débat public.
Brigitte Rasoloniaina
Inalco, Sociolinguiste, MCF-HDR, Les mises en mots des poilus malgaches (1915-1946) sur la mobilité contrainte
A partir d’un corpus constitué de lettres rédigées en malgache, publiées dans la revue protestante Ny sakaizan’ny miaramila (« L’ami des soldats », 34 numéros de 1941-1946) et de correspondances archivées à la bibliothèque de la DEFAP, Paris, l’objectif est de restituer le vécu de ces scripteurs oubliés à partir des mots qui les ont accompagnés et qu’ils ont laissés dans leur mobilité contrainte.
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky
Inalco, Anthropologue, Professeur, Violence et récit : la parole et les langues des demandeurs d’asile
Pour les demandeurs d’asile contemporains, la parole a été triplement atteinte : par l’irruption de la violence extrême qui en a perverti l’ordre symbolique, par la rupture du lien social lorsque la langue est trompeuse, enfin, par le cadre politique du pays dit d’accueil, où le régime de la suspicion met en doute la parole de l’exilé. Ainsi il faut pouvoir penser la crise de la parole dans les langues (langues maternelles, langues traduites, langues tiers, etc.) pour, loin de la langue violentée, entendre la « parole pleine » du sujet redevenu acteur.
Sumindi Rodrigo
Inalco, Doctorante, didactique, Violence et récit : la parole et les langues des demandeurs d’asile
Mon étude tente de comprendre comment les enfants imaginent et négocient leur vie plurilingue et pluriculturelle assujettis à une mobilité constante entre espaces géographiques mais aussi de manière plus marquée, entre espaces culturels et linguistiques. Je pars de l’hypothèse que les paroles des enfants qui évoquent d’abord leur plurilinguisme et leur pluriculturalisme, sont également des manifestations de leurs expériences de mobilité entre espaces géographiques, culturelles et linguistiques. En d’autres termes, leur-s identité-s plurielle-s est/sont le fruit d’une mobilité dont ils ne sont pas les auteurs et certainement pas les initiateurs. Pour appréhender leurs pratiques langagières plurilingues et leurs identités plurielles, j’ai mené une enquête auprès de deux enfants d’origine singhalaise en leur demandant en quatre séances des dessins qui ont été ensuite employés comme supports des conversations tenues avec ces enfants. Celles-ci ont permis de faire émerger des propos liés à leur vécu et à leurs imaginaires plurilingues et pluriculturels.