Maison SUGER
16 – 18 rue Suger
Paris 6° (RER Saint-Michel)
En partenariat avec le CRPMS
Mardi 19 novembre 2019 de 11h à 13h
Sujets : implications et engagements globalisés
Des institutions déchirées par le marché d’exil
Par Wenjing GUO
Les flux de « migrants » arrivés en Europe depuis quelques années ont transformé en marché les services d’accueil de ces personnes exilées en France. Ce marché met en œuvre de plus en plus une logique de fluidité et de baisse des coûts. Les institutions qui proposent ces services sont dans une forte concurrence qui se joue dans leur capacité à offrir un service de moindre coût, à acquérir des lieux notamment dans les zones urbaines tendues, à gérer les flux de plus en plus intenses de « bénéficiaires », et aussi à se conformer aux objectifs sécuritaires de la politique d’immigration. Tandis que le volet social et humanitaire est évacué peu à peu, sont mis en place des indicateurs de performance dans lesquels le taux d’intégration des exilés reste central mais qui nécessitent paradoxalement des investissements financiers et humains dont les institutions disposent de moins en moins.
Wenjing GUO est anthropologue, chercheure associée au Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques (CESSMA, Université Paris Diderot, IRD, INALCO). Elle travaille sur Internet, les nouvelles technologies et des dynamiques sociales et politiques liées à leurs usages. Ces dynamiques sont étroitement liées à la notion de société civile et concernent le travail social et la gestion des inégalités. Après des enquêtes sur le travail social en Chine, ses expériences professionnelles actuelles dans le travail social en France, auprès de personnes sans-abri et de demandeurs d’asile enrichissent une perspective comparative sur l’évolution du rôle de travail social dans le monde global, et une réflexion sur l’articulation entre une posture d’anthropologue et un engagement d’acteur associatif sur le terrain.
Argumentaire du séminaire
Ce séminaire propose de repenser les dialogues et les mises à l’épreuve réciproques entre anthropologie et psychanalyse. Il s’efforce d’articuler trois lignes de questionnement :
• Clinique du terrain et terrains cliniques : des anthropologues s’interrogent sur la nature des relations interpersonnelles développées durant leurs enquêtes, le sens et les modalités de leur écoute, et, corollairement, les mobiles intimes de la parole des acteurs. Les crises économiques et politiques qui bouleversent de nombreuses sociétés s’impriment, en effet, dans la situation ethnologique. De surcroît, l’ethnologue se trouve de plus en plus fréquemment en contact avec des populations en fragilisation croissante, en état de non inscription, et même d’errance.
• Folie et État : on développera une réflexion croisée, d’un côté sur les effets sur les élaborations identitaires des nouvelles représentations du bien-être psychique, de l’autre, sur les instances de légitimation sur ce que serait une bonne santé psychique en termes de prévention, de diagnostic, de traitement et de leur évaluation. Enfin, le lien doit être souligné entre les terreurs issues de la violence de l’État et les confusions des registres du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique, qui font tenir l’existence singulière et les échanges sociaux. D’une certaine manière, la folie a disparu au profit de l’exclusion et de la stigmatisation des perdants.
Dans les pays lointains qui ne rentrent pas dans cette industrialisation du soin, l’OMS., au contraire, préconise un retour aux dispositifs dits « traditionnels », légitimant médiums, devins et autres guérisseurs. Dans ces deux configurations du monde globalisé, les États jouent un rôle majeur, idéologique, symbolique, mais aussi institutionnalisant les corps des professionnels du soin psychique. La psychanalyse fait actuellement l’objet d’un débat social, d’autant plus aigu que c’est la singularité du sujet individuel qui est en jeu. La présence de la psychanalyse dans les institutions de soin et d’enseignement redevient l’enjeu d’une lutte, alors que la psychiatrie et la psychopathologie sont de plus en plus biologiques.
• Un dernier volet : rouvrir le débat entre anthropologie et psychanalyse de l’ordre épistémique et épistémologique, à l’heure où le cognitivisme est, pour un nombre croissant d’anthropologues, un outil de validation de leurs recherches et de leurs résultats. La généralisation de l’économie de marché a eu des effets de plus en plus prononcés sur les définitions de la souffrance psychique, des troubles mentaux, leurs modes de diagnostic et leur traitement. Dans les démocraties industrielles, on constate la dominance des modélisations biologiques et neurologiques, le retour à un primat héréditaire et la mise en avant de polices de rééducation comportementaliste.
Séminaire mensuel organisé par :
Olivier Douville, psychanalyste, Laboratoire CRPMS Université Paris 7, douvilleolivier@noos.fr
Nicole Khouri , sociologue, IMAF khouri.n@wanadoo.fr
Julie Peghini, anthropoloque, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8, Laboratoire CEMTI, julie.peghini@univ-paris8.fr
Monique Selim, anthropologue, directrice de recherche émérite à l’IRD CESSMA monique.selim@ird.fr
Maison Suger
Centre international de recherche, d’accueil et de coopération pour chercheurs étrangers de haut niveau de la Fondation MSH
Située dans le Quartier Latin, centre historique de Paris, la Maison Suger a été créée en 1990 par la Fondation Maison des Sciences de l’Homme afin d’offrir aux chercheurs étrangers en sciences humaines et sociales devant séjourner à Paris - pendant des durées prolongées, dans le cadre de collaborations avec des équipes et des chercheurs français et étrangers - un environnement de travail et de vie adapté à leurs besoins. Elle a également pour mission de favoriser les échanges entre chercheurs de toutes disciplines et nationalités, afin de susciter et révéler de nouvelles perspectives et de nouveaux projets ou programmes de coopération scientifique.
La FMSH prend en charge environ un tiers des coûts de fonctionnement globaux de la Maison Suger afin de permettre d’optimiser l’accueil de tous les chercheurs étrangers qui séjournent dans cette institution.
La Maison Suger est animée par une équipe assurant l’accueil et le soutien scientifique des chercheurs invités.