Françoise Raison-Jourde (1938-2024), enseignante-chercheuse à Paris 7 puis Paris-Diderot de 1974 à 1999 a consacré l’essentiel de sa carrière à l’histoire de Madagascar. Coopérante dans la Grande île entre 1964 et 1973, elle a enseigné dans le secondaire puis à l’Université de Madagascar où elle a formé des étudiants malgaches qui sont ensuite devenus ses collègues.
Sa thèse d’Etat, publiée sous le titre Bible et pouvoir à Madagascar au XIXe siècle. Invention d’une identité chrétienne et construction de l’Etat, Paris, Karthala, 1991, 840 p., interroge les motifs profonds de la conversion au christianisme de la reine Ranavalona II et du premier ministre Rainilaiarivony en 1869. Ce faisant, Bible et pouvoir analyse en profondeur un siècle de mutations de la société merina et l’émergence d’un royaume puissant reconnu par les puissances occidentales.
A partir des années 1970, Françoise Raison-Jourde a entretenu un dialogue fécond avec des collègues anthropologues aussi différents que Gérard Althabe, Paul Ottino ou Maurice Bloch. Les souverains de Madagascar (1983) et Les ancêtres au quotidien (2001), ouvrages parus sous sa direction ou sa co-direction, en témoignent pleinement.
Jusqu’à la fin de sa vie, Françoise Raison-Jourde est restée fidèle au XIXe siècle dont elle maîtrisait à merveille les sources qu’elles soient étrangères (françaises et britanniques) ou malgaches (archives officielles du Royaume de Madagascar, écrits privés). Ses derniers articles, qui paraitront donc malheureusement de manière posthume, revisitent cette histoire avec beaucoup d’érudition et invitent les jeunes chercheurs à mener de nouvelles recherches sur cette phase antérieure à la colonisation.
Cependant, à partir des années 1980, alors qu’elle animait un séminaire sur les sociétés de l’océan Indien sur le site de Jussieu, elle s’est intéressée à l’histoire contemporaine de Madagascar. Paysans, intellectuels et populisme à Madagascar. De Monja Jaona à Ratsimandrava (1960-1975), Paris, Karthala, 2010, 490 p., co-écrit avec le sociologue Gérard Roy, fait la synthèse de cet intérêt qui est aussi une autre manière d’envisager la rencontre entre intellectuels progressistes européens (dont elle faisait partie) et intellectuels et activistes malgaches. Tous ont tenté de repenser ensemble la question de l’émancipation au tournant des années 1960.
Auteur de plus de 110 articles et chapitres de livres, responsable éditoriale de plusieurs ouvrages et numéros de revues, dont Politique africaine, Françoise Raison-Jourde a elle-même été au centre d’un texte d’hommages paru en 2009 et auquel ont contribué plusieurs de ses anciens doctorants et collègues du SEDET puis du CESSMA (cf. pièce jointe).